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04 MARS 2021 | PAR AMELIE BLAUSTEIN NIDDAM
Encore un festival annulé, réduit à peau de chagrin. Christian Ubl devait présenter La cinquième saison, sa plus importante création ces jours-ci à la MAC. Il a offert ce grand spectacle à une poignée de professionnels chanceux.
Fiesta
Ça commence fort, ça tape fort. Un DJ balance une techno étouffée comme si on était en dehors du club. Ils arrivent et chauffent la salle, en nous demandant de porter un masque, mais pas celui auquel vous pensez ! Ils sont habillés comme s’ils avaient dévalisé une friperie. Ils sont ultra dépareillés et ultra singuliers à la fois. Après nous avoir filmé avec notre total accord et projeté notre image sur un mur-vidéo-décor, la danse se met en place. Ça gesticule, ça ondule, ça tape, ça minaude, c’est sexy.
Ils dansent chacun pour eux-mêmes mais se retrouvent dans des explosions aux hanches orientales ou brésiliennes, toujours au rythme de la techno mais plus du tout étouffée.
Dans les couleurs et dans les pas on retrouve les univers si frais de Bagouet et Larrieu, pour l’humour aussi, car ces interprètes très physiques et très maîtres de leurs gestes nous font beaucoup rire. Pour autant la danse de Ubl n’a rien de figé dans une nostalgie 80. Sa danse est vibrante, incarnée et communicative. Elle conjugue l’écriture contemporaine classique (solo, groupe) avec la performance (lien avec le public).
Cela aurait pu rester comme cela, être une fête, juste une fête, ce qui est en ce moment un acte de résistance, mais ce n’est pas ce que l’artiste associé à la Briqueterie voulait faire.
© Fabrice Cattalano
Danse macabre, danse lumineuse
Les interprètes, Céline Debysère, Marion Peuta, Martin Mauriès, Bastien Lefèvre, Francesca Ziviani, Baptiste Ménard, Yoann Hourcade, le danseur et chanteur Mathieu Jedrazak et le Dj Romain Constant, nous promènent par le bout du nez dans une ambiance qui est finalement baroque. Pour sa création, Ubl s’est inspiré d’une toile de Pieter Brueghel l’Ancien, Le Combat de Carnaval et Carême. Si vous la regardez vous y verrez à la fois la joie et le chaos. La vie et la mort, la liberté et la contrainte. Bref, notre vie d’aujourd’hui.
Cela se traduit par un changement de cap tant par les lumières que par les costumes. Pourtant la danse n’est pas différente, elle change de tempo et d’intention. Ce qui était festif est triste, la techno laisse place à la musique classique.
Ubl ne choisit pas entre le contemporain formel et le contemporain lyrique. On a envie de capturer chaque instant, dont un solo habité et ultra speed en clair obscur qui lâche tous les muscles ou cette ligne de corps dorés comme bénis, plus tard.
Quand on sort de là, la sensation est celle d’avoir refermé un livre. La cinquième saison est un spectacle extrêmement construit à l’écriture et à la volonté limpide. Il est une ode au vivant qui n’a rien de gnangnan. Et dans sa théâtralité, Pina Bausch n’est pas loin, de la à penser que Ubl a besoin de faire danser ces artistes parce que leur vie en dépend, il n’y a qu’un pas (et aussi quelques épaules qui désaxent, quelques renversements, quelques courses…)