PRESSE | B&W 's


| blackSoul&whiteSpace | KLAP Maison pour la Danse | Marseille 

Après un parcours éclectique dans le patinage artistique et la danse sportive récompensé par de nombreux prix, le chorégraphe autrichien Christian Ubl a présenté au KLAP, en avant-première, sa dernière pièce : blackSoul&whiteSpace…
… qui utilise l’espace scénique comme lieu onirique du voyage de l’âme séparée de son enveloppe corporelle. Le spectacle en noir et blanc, émouvant dans ses figures répétitives, donne à voir d’abord la désincarnation d’une jeune fille en âme errante puis sa métamorphose matérialisée dans un nouvel espace par des postures statuaires.
Dans blackSoul, la jeune fille (Emilie Camacho) agrippée ou enlacée par l’Ame en collants de dentelle noire, se débat énergiquement au milieu de carcasses de corps vides d’organes, de pantins désarticulés, avant de disparaître dans la coulisse, tandis que son double métamorphosé dans whiteSpace, revêtu d’un collant argenté, pailletté, affublé d’un parachute, le visage cagoulé (Marianne Descamps) adopte des poses sculpturales au milieu de cinq figurants en costume noir, le visage recouvert d’un nuage de tulle blanc, au son de la sonate au clair de lune de Beethoven.
Tout au long de cette pièce, Christian Ubl évoque avec tact et subtilité un certain imaginaire de l’au-delà, post mortem, délesté des Diables et des supplices de l’Enfer. Il pense que la présence de l’Artiste peut être un recours, voire un secours, dès lors qu’il s’agit de se concevoir dans les domaines de l’Éternité. En tout cas son spectacle a laissé les spectateurs du Klap médusés et sans voix.
Par Philippe OUALID | 19 septembre 2012

| DANSE | CRITIQUES

Avec Black Soul, Christian Ubl révèle une superbe interprète, Audrey Aubert, étoile noire, supernova pleine de grâce qui illumine une pièce étrangement sage…
Tout d’abord, quelques points qui, à notre humble avis, clochent dans cette pièce au titre mystérieux, en patois istréen, qui ne conserve pas jusqu’au bout l’exigence esthétique de l’entame. Les chansons, en v.o. non sous-titrée, elles aussi en cette novlangue proche de l’anglo-yaourt, sont sympathiques mais sonnent plus folk que rock, ce qui est toujours un peu dommage ! Et dès qu’on aborde le domaine de la danse, que ce soit au sens néo-classique ou contemporain du terme, on observe une gestuelle assez retenue, convenue, sage. C’est que… ce n’est pas évident d’innover en général et dans le domaine du tour, du pas de deux ou du porté en particulier… Cela dit, il faut reconnaître que la chorégraphie est parfaitement dosée, ordonnée, structurée. Les séquences se détachent avec netteté. Parcours et discours sont lisibles : on est dans la ligne claire — le titre ne s’appliquera vraiment qu’à la partie duelle du finale de la pièce, plus nébuleuse et équivoque. Scénographiquement parlant, Christian Ubl ne manque ni d’idées visuelles ni de trouvailles gestuelles. Et l’œuvre, même inachevée, fonctionne déjà, c’est incontestable. Le gigantesque mobile calderien imaginé par Emile Genoud prend un certain temps à se mettre en branle, mais son effet cinétique est garanti. Rien à dire des éclairages, sinon qu’ils contribuent certainement à produire un sentiment d’étrangeté. L’option SM des costumes, confectionnés en dentelle noire, rappellent les bracelets de force, les fourrures vénusiennes, les jabots compliqués, les cagoules pour catcheurs imaginés jadis par Jean-Paul Gautier pour le Façade de Régine Chopinot. Ils ajoutent une connotation précise et précieuse au personnage ambigu du danseur-wrestler incarné par le chorégraphe barbu en personne. La bonne surprise de la soirée aura été la découverte d’une interprète féminine d’une grâce et d’une photogénie rares : Audrey Aubert. Par sa seule présence immobile, silencieuse, lorsque, au début de la pièce, le temps d’un single, d’un 45 tours ou des 2’35 de bonheur réglementaires, sa voix est diffusée en playback, la chanteuse–danseuse-comédienne jette illico le trouble, provoque rapido presto l’émoi, fascine d’emblée son auditoire. Elle prend le plateau et ne le quittera plus durant la trentaine de minutes que dure le set. Radieuse, Audrey Aubert occupe la scène, se déplace lentement, s’assoit à même le linoléum, près d’un pilier, côté jardin. Avec élégance, elle s’allonge sur le dos, lève un genou, fait pivoter son corps sobrement dissimulé dans une robe claire. Elle ôte mine de rien, ni vu ni connu, sa perruque de girl du Crazy, allonge un bras, prend une pose hiératique. Une autre robe, sur un cintre perchée, sèche sous les sunlights. On a déjà dit ce qu’on pensait des portés. Le chorégraphe-athlète à tête encagoulée n’a pas de mal à soulever la frêle danseuse. Il repose en douceur le corps en porcelaine de sa belle partenaire au terme de chacune de ces figures qu’il a cru bon de s’imposer. Au bout d’un moment, on assiste enfin à un passage intéressant où la jeune danseuse répète à l’envi le même geste et donne l’impression de rebondir sur un trampoline imaginaire. Après quelques gratouillis de guitare sèche, on a droit au solo du jeune gens, la danseuse étant alors hors champ. La variation est ténébreuse… Sur l’air de Don’t Drop Me…, Audrey recoiffe sa perruque, tourne le dos aux spectateurs et sort par le fond, côté cour.
Par Nicolas VILLODRE | 1 oct. | 17 oct. 2009