« Nous vivons une véritable révolution où chacun devient de plus en plus libre de s’autonomiser de son identité de genre »!
Publié le 31 octobre 2022 à 11 h 51 min
Dans « ANIMA », sa nouvelle chorégraphie, Christian Ubl explore le masculin, le féminin, la binarité dans une création jeune public inspirée de l’univers des mangas et des genderless boys sur fond de musique électro. Interview.
Christian Ubl est un chorégraphe et danseur né à Vienne en Autriche. À partir de 1993, il s’intéresse à la danse contemporaine et suit des stages à Vienne, Budapest, Nantes, Istres et New York auprès de Trisha Brown. A partir de 2005, il signe plusieurs chorégraphies tout en poursuivant sa carrière de danseur.
Avec ANIMA, sa nouvelle création, Christian Ubl explore le masculin, le féminin, la binarité. et cette liberté de s’emparer des codes et symboles, avec risque et brio, pour impulser une nouvelle ère. Cette création jeune public, dont la tournée débute le 4 novembre sur la scène du Théâtre de l’Olivier à Istres, met en lumière l’identité et le cheminement parfois confus et complexe d’un enfant-adolescent qui découvre sa singularité.
Interview.
Komitid : Pour votre nouvelle pièce, « ANIMA », vous avez choisi d’explorer le genre. Pourquoi ce choix ?
Christian Ubl : Depuis 2020, je travaille sur un cycle qui souhaite interroger la transformation identitaire : la transgression, la modification ou l’évolution de nos identités. ANIMA est le deu- xième volet sur l’idée de performer des codes masculins et féminins comme outils performatifs mais aussi mettre en mouvement et au plateau la question du il, elle et iel … S’adresser à la jeunesse avec la danse et cette thématique permet de créer un échange et de voir comment ils abordent ces codes, mais aussi la liberté qu‘ils prennent avec les codes binaires ou pas. J’ai l’impression que nous vivons une véritable révolution où chacun devient de plus en plus libre de s’autonomiser de son identité de genre et de s’affranchir des codes préétablis aux assigna- tions féminines ou masculines. C’est une manière, aussi, de remettre en cause les injonctions sociales liées à chaque genre.
© Pierre Canitrot
Vous utilisez l’univers des mangas du kabuki et des kel boys. Qu’est-ce qui vous inspire dans ces références ?
Ces références comme point de départ m’inspiraient pour le côté trouble et le décalage qu’elles évoquent dans la représentation du genre mais aussi la question de la norme ou le cadre par rapport aux images attendues ou préconçues. L’extravagance visuelle bizarre du kabuki était une source d’inspiration et un moteur pour inventer des masques pour les danseur·euses, à la place du maquillage . Mais également un masque humain/végétal ou humain/insecte (inspiré des série Kamen Rider) pour le musicien Fabrice Cattalano. L’idée était de créer un personnage fictionnel hybride. Se masquer et se démasquer pour devenir quelqu’un d’autre, comme une armure de lumière.
Pouvez-vous nous parler de la création sonore, qui comme dans vos précé- dents spectacles, tient aussi une place importante ?
ANIMA fait appel aux compostions de musique électronique de Fabrice Cattalano qui me paraissait le plus juste pour aborder la question sonore au plateau. Pour cet univers musical son inspiration passe aussi par des génériques manga animé et par la culture pop. Il était important pour moi qu’à la fois le chant ou l’expression vocale puissent être présents sur le plateau. Tout comme les cordes vocales, comme outil qui interrogerait le genre. Pour ça, je fais appel d’ailleurs au chanteur lyrique Mathieu Jedrazak qui se produit régulièrement avec la troupe de Madame Arthur. Cette collaboration permet, à mon sens, d’ouvrir des espaces abstraits, de créer des tensions, troubles hypnotiques pour que les corps des danseurs puissent résonner et exister par flottement. Cette « ornementation musicale » permet de révéler, d’incarner des transformations identitaires.