Actoral | été indien

Par Emmanuel Serafini

Ce qui frappe quand on arrive au festival Actoral, 16e du genre, c’est la bonne humeur, comme si tout le monde avait plaisir à se retrouver là, au sud… Comme si ce moment d’automne annonçait l’entrée dans l’hiver et que, tels des lézards, les Parisiens – et les autres – venus humer l’air de Marseille en profitaient avec insouciance… Idée lumineuse, donc, que celle d’Hubert Colas de placer son festival à cette période bénie où les rues de Marseille ressemblent encore à l’été…

Alors, pendant trois semaines, toutes sortes d’expériences vont pouvoir se dérouler dans dix-sept lieux de la ville (et en dehors, avec Martigues cette année). Des tentatives faisant fi des cases habituelles de la danse ou du théâtre ou de la musique ou des arts plastiques… Tout cela aboli pour laisser place à l’acte « de nouvelles écritures ». Du coup, rien ne se passe comme prévu, un metteur en scène peut se lancer dans une chorégraphie et un plasticien écrire, ou alors des associations s’organiser.

Dans cette catégorie, nous avons pu voir, dans le cadre du programme commun à la SACD et au festival L’Objets des mots, « Langues de feu », conçu et dansé par Christian Ubl autour d’un texte de Lucie Depauw qui relate un geste qui marqua l’Histoire avec un grand H, celui de Tarek Bouazizi, qui, s’immolant par le feu, déclencha une révolte qui allait signer la fin d’un régime – celui de Ben Ali – et annonçait rien de moins qu’une révolution.

Christian Ubl est seul en scène, avec, en voix off, le texte dit par l’auteur. Leur travail a été, à ce stade, de tenter toutes les métaphores… Celle du feu qui embrase un instant la scène, celle du diable qui ne peut pas être en dehors de ce coup funeste, celui d’une image symbolique avec ces couvertures de survie (sorte d’incandescence naturelle dorée et argentée), mais aussi littérale, puisque c’est dans ces couvertures que l’on enroule les blessés, pourquoi pas les brûlés. Le sol est jonché de traces de pas et libère au centre un cercle, celui de l’action… Bidon d’essence au dos et texte en bouche, Christian Ubl va saturer l’espace d’un parcours juste, bien vu, émouvant. Sa présence touche. On sent que le sujet l’a particulièrement concerné. Sa propre émotion est palpable. Elle ajoute à la fragilité de la proposition encore toute fraîche et qui se cherche, mais qui possède tout pour faire un solo mémorable…