POUR 6 DANSEURS ET 2 MUSICIENS
Ils prirent leur mal en patience, au nom de l’art et de ceux qu’ils aiment, puis ils s’en allèrent, loin des académies harmonieuses. Derrière les belles apparences, ils avaient découvert le désordre, dissimulé sous la surface des choses.
Ils se rassemblèrent et réfléchirent : vers où aller désormais ? On les avait désavoués : déclin, décadence… Ils répondirent : sécession ! Puis ils partirent. Dans la ville morte où tout se déconstruit, ils rencontrèrent des vagabonds ligotés par la peur du désir et d’autres s’abandonnant au plaisir.
Ils écoutèrent aussi les paroles de malades vivant nus et à l’écart, le corps usé par la vie, et celles de créatures sensibles qui leur répétaient : tout sonne faux, peu importe ce qui est beau ou laid, l’énergie de l’être finira par inonder le monde.
On les a cru engloutis ou évaporés, mais les voilà de retour, sauvages, transfigurés, couverts de grimaces et de mimiques mais purifiés.
Ils reviennent, expliquent se sentir riches et vouloir s’offrir. Ils ne sont plus personne, tout au plus un ensemble d’où une ombre surgit parfois, avec impudeur, pour ôter ses habits de peau et scander un état de chair, celui des éternels nouveaux nés.
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Avant-première
23 Janvier 2017KLAP – Maison pour la Danse, Marseille
Création
03 mars 2017 au Pavillon Noir, Aix-en-Provence
Chorégraphie & conception | Christian Ubl
Interprètes | Séverine Bauvais/Anne–Emmanuelle Deroo, Aniol Busquets/Martin Mauriès, Marianne Descamps, Bastien Lefèvre, Joachim Lorca, Marion Peuta
Conception des costumes | Pierre Canitrot, assisté par Virginie Corfa
Composition & musiques | Fabrice Cattalano & Hélène Breschand
Dramaturgie & régie son | Fabienne Gras
Travail vocal | Dalila Kathir
Création lumières | Jean-Bastien Nehr
Régie lumière | Jean-Bastien Nehr ou Bertrand Blayo
Production | Laurence Larcher
Production
CUBe association
coproduction
Ballet Preljocaj / Pavillon Noir, Centre Chorégraphique National d’Aix-en-Provence | KLAP Maison pour la danse à Marseille (résidence de finalisation 2017) | Chorège / Relais culturel régional du Pays de Falaise | Fondation E.C. ART- POMARET | 3bisf lieu d’arts contemporains à Aix-en-Provence | Centre Chorégraphique National d’Aquitaine en Pyrénées-Atlantiques / Malandain Ballet Biarritz | La Briqueterie/CDC du Val-de-Marne à Vitry-sur-Seine | Théâtre de Châtillon
avec le soutien de
Le Pacifique, Centre de Développement Chorégraphique de Grenoble | Fonds SACD Musique de scène | SPEDIDAM | ADAMI | DRAC Provence-Alpes-Côte d’azur (aide à la compagnie) | Région Provence-Alpes-Côte d’azur (CAC danse) | Conseil départemental des Bouches-du-Rhône | Ville de Marseille | CUBe – Christian UBL est soutenu par le Forum Culturel Autrichien à Paris.
Résidences et prêt de studio
Théâtre Paul Eluard de Choisy-le-Roi | La Garance, sn de Cavaillon | CN D, Centre national de la danse
En partenariat avec
Le Leopold Musem (Vienne) collection et archives de Schiele et de Klimt Sammlung – accès aux archives pour la recherche et la documentation
Klimt versus Schiele
À eux deux, l’aîné et son orfèvrerie, le cadet et sa crudité, ils résument la fameuse Sécession viennoise, ce mouvement pour un art nouveau qui, avant 1914, secoua le cœur de l’Empire et de l’Europe, et leur lourde civilité bourgeoise. Rien d’étonnant si, viennois lui-même, Christian Ubl retourne à ces deux figures, frères d’art sinon d’âme, pour cette nouvelle création. Face aux rudesses du temps présent, peut-être faut-il se rappeler la stratégie qu’avait osée le Jugendstil dans le pressentiment des horreurs qui venaient, recourir aux confins de l’Homme, là où sacralité et pornographie se mêlent, pour opposer à Thanatos la souveraineté de la Vie. Le style futur ne sera pas forme mais désir. Si ce spectacle est un hommage à tous les gestes artistiques en général que l’amour de l’amour porte à leur comble, la danse, comme on sait depuis la grande Loïe Fuller, a ce privilège, par le « ralenti » des corps dont parle Rilke, d’ouvrir nos yeux à « la vue des astres rapides ».
STIL | Une traversée charnelle
Entretien avec le chorégraphe Christian Ubl sur la genèse de sa démarche et ses choix artistiques lors de la création de la pièce chorégraphique STIL.
Comment est né le projet STIL ?
Lors d’une résidence de recherche au Lepold Museum à Vienne, la ville où je suis né, je me suis intéressé au mouvement nommé Sezessionsstil et, de façon plus précise, à deux peintres qui en ont fait partie : Gustav Klimt et Egon Schiele. Le premier est mort en février 1918, le second fin octobre, quelques jours avant la fin de la guerre et de l’empire austro-hongrois. Un siècle plus tard, il m’a paru salutaire de revisiter les perturbations générées par la Sécession viennoise. Je crois en effet que nous vivons une période similaire. Le sens et l’utilité de l’art sont discutés, tout comme la liberté d’expression. Le contrôle des désirs – pour ne pas dire leur désaveu – devient aussi une réalité de plus en plus tangible, ce qui me touche en tant qu’artiste. STIL est donc bâti comme un aller-retour entre deux époques et il n’est pas anodin que la pièce débute par une référence à Loïe Fuller qui fut l’une des premières danseuses à incarner la modernité sur scène.
En quoi Klimt et Schiele ont-ils nourri le travail corporel mis en œuvre dans STIL ?
La question de la représentation du corps dans ce qu’il a de plus intime est au cœur de leur démarche, même si cela s’est traduit par des œuvres chatoyantes et lumineuses chez Klimt alors que la peinture de Schiele est bien plus sombre, tragique même. Confrontés à l’hypocrisie de l’aristocratie, tous deux ont mis à jour les pulsions et les perversions qui bouillonnaient derrière les tabous sociaux et les interdits qui les accompagnaient. Dans leurs œuvres, on voit des corps nus, des visages déformés, des positions dont certaines sont à la limite de la pornographie. Pour élaborer la matière dansée de STIL, nous sommes donc partis d’une partition constituée de postures glanées dans leurs œuvres. Ce matériau nous a permis ensuite de construire des situations dramatiques matérialisant ce qui fit scandale à l’époque – au point d’être censuré – mais interrogeant aussi l’écriture de la danse aujourd’hui. Un corps et une pensée libre, qu’est-ce que cela signifie de nos jours ?
STIL est-il le manifeste d’un nouveau langage chorégraphique ?
Je change de forme, d’ambiance ou de registre – en un mot de style – chaque fois que je traite un thème nouveau. Je ne suis pas favorable à la réutilisation systématique d’un vocabulaire figé ou à la duplication d’un système de fabrication unique. Toute création nécessite la recherche de sources originales et un processus d’écriture singulier, toute écriture doit être traversée par le sujet abordé. Le dilemme auquel étaient confrontés les artistes de la Sécession viennoise, c’est l’éternelle opposition entre classicisme et modernité. Dans STIL, j’ai établi un parallèle entre leur époque troublée et la notre, creuse et en crise, dominée par les préjugés. Et ce sont justement les préjugés sur les nouvelles écritures scéniques que nous avons exploré. La plupart du temps, la danse contemporaine fait appel à des codes établis, elle donne à voir et sentir un corps éduqué, travaillé, sophistiqué. Mais qu’en est-il aujourd’hui du corps grossier, immoral ou obscène ? Toutes ces représentations sont mises à l’épreuve et en friction dans STIL. La pièce se présente comme une peinture vivante qui cherche à la fois sa proie et son voyeur. Si elle est porteuse d’un expressionisme dérangeant, c’est que – selon moi – l’étrangeté est une force qu’il convient de renouveler.